Cour de Justice de la République,
9 Mars 1999, n°99-001, Laurent Fabius, Georgina Dufoix et Edmond Hervé.
(…)
V - Sur les faits reprochés à Laurent Fabius
Attendu que les griefs invoqués par
l'arrêt de renvoi à l'encontre de Laurent Fabius ne portent que sur son comportement en qualité
de Premier ministre concernant la généralisation des tests de dépistage
du sida chez les donneurs de sang et les mesures d'accompagnement ;
Attendu que, selon l'article 21 de la Constitution, il appartient au Premier ministre qui dirige l'action du gouvernement, d'en définir les grandes orientations politiques, en donnant au besoin les impulsions nécessaires, et d'arbitrer les différents qui pourraient survenir entre ses ministre ; qu'il dispose, pour exercer sa fonction, du concours de son Cabinet et du Secrétariat général du gouvernement ;
Que chacun des membres du gouvernement,
qui bénéficie d'une délégation de pouvoirs du Premier ministre,
dispose d'une compétence propre, définie par le décret fixant les
attributions du département ministériel dont il a la charge ;
Attendu qu'il résulte de l'information que Laurent Fabius a été saisi du problème du dépistage obligatoire des dons de sang par une note de son conseiller industriel, datée du 29 avril 1985 ; qu'il ressort des annotations portées sur ce document que le Premier ministre a exprimé d'emblée une position favorable au principe de la mesure de dépistage obligatoire et a demandé que soit préparée la décision à intervenir, sans pour autant dessaisir le ministre et le secrétaire d'Etat concernés ; qu'à la suite de cette demande, une réunion interministérielle s'est tenue à Matignon le 9 mai 1985 sous la présidence de François Gros, conseiller du Premier ministre chargé de la recherche ;
Que, par une note du 13 mai 1985, celui-ci
a informé le directeur de cabinet des résultats de la réunion, en
faisant état des principales positions en présence et en indiquant
que l'instruction du dossier se poursuivait en vue d'une généralisation
du test ; que cette note a été portée à la connaissance de Laurent Fabius,
qui ne l'a assortie d'aucune observation particulière ;
Que le compte rendu officiel de la réunion du 9 mai, ou « bleu », a été établi le 17 mai et diffusé par le Secrétariat général du gouvernement le 22 mai ; que, comme il est d'usage, ce document mentionne in fine les orientations arrêtées à l'issue de la réunion, notamment que « le dossier d'enregistrement d'Abbott soit encore retenu quelque temps au Laboratoire national de la santé » ; que, toutefois, cette question n'était pas évoquée dans la note du 13 mai 1985 remise au Premier ministre et il est établi que celui-ci n'en a jamais été personnellement saisi ; que l'affirmation de l'arrêt du renvoi, selon laquelle l'intention exprimée de différer l'enregistrement du test en cause, concurrent du test de Diagnostics Pasteur, « ne peut être que la traduction d'instructions données par le chef du gouvernement », n'est corroborée par aucun des éléments du dossier ni par les débats ;
Attendu que, de même, aucun élément de fait ne permet de confirmer l'allégation de l'arrêt de renvoi selon laquelle le Premier ministre aurait personnellement empêché le secrétaire d'Etat à la Santé d'annoncer le 22 mai 1985, lors d'un colloque tenu à Bordeaux, la résolution du gouvernement de généraliser le dépistage des dons du sang ;
Attendu que Laurent Fabius a été à nouveau saisi de la question du dépistage par une note de François Gros en date du 14 juin ; que le Premier ministre a aussitôt demandé, en urgence, des informations complémentaires qui lui ont été fournies par une nouvelle note du 18 juin ;
Que c'est à l'issue de cette première
partie du processus interministériel que le Premier ministre a annoncé
à l'Assemblée Nationale, le 19 juin 1985, la décision prise par le
gouvernement de rendre le dépistage obligatoire rapidement ;
Que, au cours de la période qui a suivi, l'attention du Premier ministre a été attirée par des courriers des 28 et 29 juin 1985, reçus le 1er juillet, signalant la nécessité de prendre sans délai les mesures d'application de la décision annoncée ; qu'il a transmis ces courriers à son cabinet en soulignant à son tour l'urgence de la mise en œuvre de ces mesures ;
Qu'ont alors été organisées, sous la présidence d'un membre du cabinet du Premier ministre, trois réunions interministérielles ayant pour objet de définir les procédures d'exécution de la décision relative au dépistage ; qu'au cours de ces réunions, qui se sont tenues les 12, 17 et 22 juillet 1985 et auxquelles ont participé les représentants des six ministères concernés, les questions relatives à la généralisation du test, à la protection de la production nationale et au financement de la mesure ont été évoquées ; que les arrêtés ministériels rendant obligatoire le dépistage et augmentant le prix des produits sanguins de manière à y intégrer le coût du nouveau test ont été pris le 23 juillet 1985 publiés au Journal Officiel dès le lendemain ; que la date retenue par ces arrêtés pour l'application du dépistage obligatoire a été fixée au 1er août et non au 1er octobre, comme il avait été primitivement envisagé par les directions administratives concernées ;
Attendu, par ailleurs, qu'il ne résulte ni du dossier, ni des débats, que la question du rappel des transfusés ait été expressément soumise au Premier ministre ; que l'insuffisance, sur ce point, des prescriptions de la circulaire du directeur général de la Santé du 2 octobre 1985, ne peut en conséquence être retenue à son encontre ;
Attendu qu'en définitive le dépistage des dons de sang, mis en œuvre dès juillet 1985 dans la plupart des centres de transfusion, a été imposé et généralisé en France sans retard, par comparaison avec le calendrier observé dans la plupart des autres pays du monde (troisième en Europe, cinquième au niveau mondial) ;
Qu'il apparaît dans ces conditions, compte tenu des connaissances de l'époque, que l'action de Laurent Fabius a contribué à accélérer les processus décisionnels et que, dès lors, ne sont pas constitués, à son encontre, les délits prévus par les articles 221-6 et 222-19 du code pénal ;
(…)
La Cour,
Rejette les conclusions déposées
le 23 février 1999 par Maître Maisonneuve et Maître Welzer
pour Edmond Hervé, les conclusions déposées le 25 février par Maître
Cahen pour Georgina Dufoix, ainsi que les conclusions déposées le
même jour par Maître Maisonneuve et Maître Welzer pour Edmond Hervé ;
Déclare non constitués, à la charge de Laurent Fabius et de Georgina Dufoix, les délits qui leur sont reprochés, d'atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité physique des personnes ;
pourquoi revenir sur cette histoire ? tout le monde sait que LF a été innocenté. J'espère qu'il a laissé cette affaire derrière lui. pour gagner il faut savoir vider son sac régulièrement.
Rédigé par : philippe | 02 juin 2006 à 09:41
Je savais que Laurent avait été innoncenté par la justice mais je n'avais jamais vu l'arrêt de la justice. La phrase "il apparaît dans ces conditions, compte tenu des connaissances de l'époque, que l'action de Laurent Fabius a contribué à accélérer les processus décisionnels" mériterait d'être rappelée à tous les gens qui pensent encore que Laurent était coupable. C'est dingue comme on est mal informé dans ce pays, quand même ! On change de président bientôt, j'espère !
Rédigé par : Arthur | 04 juin 2006 à 18:38
Si "LF a contribué à accélérer les processus décisionnels" et qu'il lui a fallu 3 mois pour faire voter un loie alors qu'il était 1er ministre .... cela dénote soit d'un vrai manque de proréactivité en France soit d'un manque de proréactivité de LF ... soit des 2 !
Dans les 2 cas le gouvernement n'a pas estimé qu'il y avait urgence à dégager des fonds et enclencher un dépistage systématique.
Pendant ces 3 mois ils ont laissé des citoyens se faire contaminer ... Comment pouvons nous oublier cela !
Les 1ers de cas de Sida en France sont apparus en 1981, les 1ers cas de Sida dans le monde ont été découverts dès les années 70 ...
Je pense que LF n'est pas plus idiot qu'un autre et qu'il savait que cette maladie tuait !
Je pense aussi que lorsque que le gouvernement déclare un état d'urgence il est capable de dégager des fonds impressionnants ...
Rédigé par : Emilie | 08 novembre 2006 à 14:52
nimpote koi c lui qui aurait demander de faire vérifier le sang il la pas fait et des personnes sont morte ou bien contaminé mais c pas grave ça personne le voit dans quel monde vit on ?
Rédigé par : titou | 11 avril 2007 à 13:57
Bien sur que Fabius a été rendu non coupable (enfin non lieu rendu). Ce problème intervient dans la domaine de responsabilité du premier ministre, sujet immense et manquant de clarté.
Cependant cet arrêt montre bien le fait que les juges ont pu utiliser une méthode "téléologique" d'intereprétation de la loi, ce qui change tout. Ils ont pu en déduire qu'il n'y avait pas "d'animus necandi" (volonté de tuer), or, si ils avaient utilisés la méthode normale, classique "d'interprétation stricte de la loi" (art111-4 CP), il aurait été coupable.
C'est là un grand problème de nôtre justice, la possibilité d'intéreprétation des juges en fonction de l'affaire et des parties au procès...
Rédigé par : Etudiant en Droit | 01 septembre 2007 à 14:23
Cet affaire a de la chance de voir aboutir à des condamnations. En effet, quelques années de plus et tous les prévenus auraient été déclarés non coupables. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a posé dans notre droit, qu'en présence d'une infraction non intentionnelle, l'on ne pouvait pas retenir une faute simple ayant un lien de causalité indirecte avec le dommage de la victime pour engager la responsabilité de l'auteur de l'infraction.
Rédigé par : Docteur en Droit | 18 mars 2008 à 18:20